« (…) Aussitôt le vertige est entré, le vertige circule dans l’air ; on respire le vertige ; c’est le vertige qui remplit les poumons et renouvelle le sang dans le ventricule. » C’est ainsi que Baudelaire tente de rendre compte d’une forme comique nouvelle qui se caractérise par son aspect excessif et sa dimension spectaculaire, et qui frappe par là même un public français peu habitué encore à ce genre d’extravagances. Ce grotesque «moderne» va prendre toute son ampleur au XXe siècle pour y répandre son vertige au beau milieu de toutes les littératures nationales. C’est pourquoi on le retrouvera sous des horizons géographiques très variés et on peut en suivre la trace, comme nous nous proposons de le faire, parmi d’autres, dans les œuvres de Franz Kafka, d’Henry Miller, de Céline, de Samuel Beckett, de Günter Grass, de Gabriel Garcia Marquez, de Sony Labou Tansi, de Philip Roth ou même encore au cinéma chez un Emir Kusturica. Auteurs bien différents à l’évidence, mais pour lesquels une même esthétique du vertige et du choc comique va trouver à se déployer. Rémi Astruc est professeur de littérature comparée et littératures francophones à l’université de Cergy-Pontoise.