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LES FIGURES DU LIVRE
Essai sur la coïncidence des arts dans A la recherche du temps perdu
MILOVANOVIC MOMCILO
À la recherche du temps perdu, vaste œuvre cyclique, ne fait que conter l'histoire de la vocation de son Narrateur, vocation dont l'aboutissement est le passage à la création littéraire qui coïncide avec la fin du roman, et en constitue à la fois le véritable commencement. Alors, la Recherche, qui symbolise le livre futur virtuel du Narrateur qui est à la fois même et dissemblable, n'a d'autre sujet que sa propre rédaction, que celui de la possibilité même d'exister ; elle actualise le triomphe de l'écriture intransitive, l'écriture qui ne renvoie qu'à elle-même. Mais la quête de l'art qui est celle du héros, offre et développe l'exposé d'une gigantesque théorie esthétique qui constitue le soubassement de l'œuvre, théorie dans laquelle toutes les formes d'art sont convoquées, analysées, sondées, confrontées les unes aux autres dans un immense système d'échos, ces formes d'art qui génèrent un métalangage dont la finalité est de décrire conjointement l'œuvre qui les contient et l'œuvre à venir, à travers ce processus des figures du livre dans lequel la peinture, la musique et l'esthétique gothique constituent des modèles, mais également les toilettes féminines et l'objet alimentaire, où la Recherche se reflète indéfiniment et prend peu à peu consistance. Proust ressuscite la théorie issue du premier romantisme allemand qui dicte de mettre l'œuvre en œuvre sur des modes différents, et qui conçoit la littérature à la fois comme œuvre et réflexion de l'œuvre, mêlant la critique et la philosophie esthétique à la poésie la plus profonde, et toujours, dans une voie se dirigeant insensiblement vers cet idéal: le Gesamtkunstwerk wagnérien, l'Art total.