LES COUTURES APPARENTES DE LA RECHERCHE PROUST ET LA PONCTUATION
SERCA ISABELLE
Aborder la Recherche par le biais de la ponctuation - tout particulièrement les parenthèses - apparaît a priori comme un choix saugrenu : un si petit point d'entrée pour une œuvre si vaste ! Telle est cependant la gageure que se propose de tenir cet essai qui considère tant le signe de ponctuation - les parenthèses - que la figure de rhétorique, la parenthèse. Des ajouts en étendue aux ajouts en profondeur, de la parenthèse kaléidoscopique à la parenthèse stéréoscopique, les parenthèses apparaissent comme les coutures apparentes d'un texte qui se présente comme recousu : l'efficace du signe dans l'œuvre est en effet de tisser dans le dessin même du texte une impossible continuité. La parenthèse est ainsi portée au rang de figure proustienne majeure, au même titre que la métaphore et la réminiscence. Le parcours choisi, qui redessine les frontières de la stylistique, traverse les contrées de la linguistique et de la littérature, en passant par les domaines de la grammaire, de la rhétorique, de la narratologie, de la poétique, de la théorie littéraire et de l'esthétique. L'approche stylistique voit ainsi un simple signe de ponctuation - un point d'ancrage minuscule mais tangible et irréductible - ouvrir sur de vastes perspectives esthétiques, faisant par là même justice du mépris dans lequel est encore trop souvent tenue la ponctuation. Cette démarche résolument stylistique (car elle se fonde sur un élément formel non directement interprétable, à la différence de la métaphore par exemple) est dans le même temps éminemment proustienne, tant l'esthétique de Proust, qui lie " beauté grammaticale " et " vision du monde " est consubstantielle à cette approche.