LE LANGAGE DU CORPS DANS A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU
GABASTON LIZA
Si l`importance du corps dans À la recherche du temps perdu a été soulignée depuis longtemps par la critique proustienne, cet objet n`a jamais été abordé comme une simple technique narrative, qui emprunte beaucoup au roman du XIXe siècle. Loin de se limiter à de simples notations marginales, les gestes, mimiques et intonations des personnages de la Recherche constituent un véritable système de signes, dont le déchiffrement est au principe même de la dynamique narrative, dans un roman où l`action demeure problématique. À la différence du modèle établi par Balzac, cette herméneutique corporelle n`est plus toutefois un simple instrument de construction du personnage. Elle aboutit au contraire à une mise en doute du " caractère " et des manifestations physiques de l`intériorité, et cette position interrogative, qui fait du corps un secret dont l`élucidation n`est pas toujours garantie, favorise la progression de l`intrigue. Elle alimente aussi une réflexion sur l`art et l`articulation de la matière et du sens, mais cet enjeu esthétique ne fait pas l`objet d`un retour théorique, précisément parce que le " langage du corps " reste un instrument strictement romanesque, qui permet d`éviter les dangers du didactisme et du roman à thèse. Docteur en lettres, agrégée de lettres modernes et ancienne élève de l`École Normale Supérieure (Ulm), Liza Gabaston a enseigné à la Sorbonne et à Columbia University.